Madame de Maintenon et la révocation de l’Edit de Nantes.

Ce fut de longues vacances et je n’ai pas eu l’occasion de féliciter toute la communauté de généalogistes qui a publié des articles de qualité pendant tout le mois de novembre dans le cadre du challenge A-Z. Ce que je fais aujourd’hui.

Je souhaite vous parler d’un sujet qui, m’intéressant aux protestants en Poitou, m’a interpellé, celui des responsables des dragonnades de 1681. L’opinion selon laquelle madame de Maintenon, poitevine d’origine, est grande partie responsable de la révocation de l’Edit de Nantes est communément admise et encore aujourd’hui relayée dans l’opinion publique. Je ne sais pas vous, mais compte tenu de mon article précédent je doute fortement, même si elle était réputée dévote et communiquait une certaine austérité à la cour de France. Enfin c’est ce que l’on raconte. Elle n’a certainement pas séduit le Roi de cette façon et tout de noir vêtue. Voilà son histoire;

Madame de Maintenon est née Francoise d’Aubigné le 28 novembre 1635 dans la prison de Niort, fille de Constant d’Aubigné, petite fille d’Agrippa d’Aubigné rebelle, poète mais aussi protestant reconnu. Sa mère voulut pour elle un baptême catholique elle fut donc baptisée à Niort paroisse Notre Dame, mais elle passa ses premiers mois chez sa tante huguenote, Madame de Villette, au château de Mursay à Échiré près de Niort dans un foyer protestant. Après 6 ans en Martinique avec ses parents, elle revint en France en 1647, et devenue orpheline fut placée sous la protection de Madame de Villette. Sa marraine, Madame de Neuillant, fervente catholique intervint alors pour qu’elle pratique, « dans son intérêt »,  la religion catholique en particulier pour être présentée à la cour. Elle la fit rentrer,contre sa volonté au couvent des Ursulines à Niort puis à Paris. C’est part l’intervention d’une religieuse, sœur Céleste, qu’elle renonça à la religion protestante.

Elle n’était donc pas ignorante des questions religieuses depuis son plus jeune âge.

Épouse puis veuve de Paul Scarron qui fit son éducation culturelle, c’est en 1669 qu’elle rencontra pour la première fois Louis XIV alors qu’elle s’occupait des enfants adultérins de celui-ci. Elle vivait alors dans un grand hôtel du village de Vaugirard. Rencontrer est un grand mot puisqu’elle n’habita la cour qu’à partir de 1673, au moment où les enfants royaux furent légitimés.

Madame de Maintenon et deux enfants de Madame de Montespan. Pierre Mignard

Le roi Louis XIV avait déjà affirmé depuis 1663 qu’il était le roi Soleil, seul représentant de Dieu sur terre, catholique régnant sur un peuple catholique. La déclaration du roi du 2 avril 1666 restreignant la liberté de culte public et les droits civiques et sociaux des protestants n’est que la volonté royale.

C’est en décembre 1674 qu’elle acheta le château et le titre de Maintenon et en 1675 qu’elle sembla gagner les faveurs du roi.

Mais le Roi avait déjà au moins trois femmes dans sa vie. Mademoiselle de Fontanges, âgée de 17 ans en 1679 fut la dernière favorite en titre du Roi et mourut le 28 juin 1681 à l’Abbaye de Port-Royal de Paris. La marquise de Montespan, maîtresse du Roi depuis 1667 avec qui elle eut 7 enfants, fut compromise en 1681 dans « l’affaire des poisons ». La reine Marie Thérèse mourut le 30 juillet 1683 . Le Roi âgé de 45 ans fit alors le choix d’une seule femme et le 9 octobre 1683 fut célébré en toute discrétion le mariage de Louis XIV et de Madame de Maintenon, mariage qui resta secret. Elle était reine en privé et à la cour mais pas au delà. On admet maintenant que son influence s’exerça en privé sur le Roi et les enfants de celui-ci, sur sa pratique et ses croyances religieuses. Mais c’est en 1683.

En 1680, le Roi est au sommet de sa puissance, il a imposé sa volonté aux princes européens après la guerre de Hollande, il est au sommet de sa gloire. La caisse de conversion fondée en 1674 qui distribue des récompenses et des faveurs pour ramener les protestants dans le droit chemin a un certain succès mais pas assez ni assez vite au gré de Louis XIV. Le Roi se décide alors à employer la manière forte, prend conseil auprès de Louvois. Louvois envoie un régiment de cavalerie pour ses quartiers d’hiver que Marillac loge principalement chez les réformés les autorisant à les piller, les ruiner, les maltraiter.

C’est une ordonnance du 11 avril 1681 qui déclencha les dragonnades mis en œuvre par Marillac, intendant du Poitou. Les intendants font croire au Roi que les conversions se multiplient, que la religion protestante est en train de disparaitre, ce qui est une réalité mais dans quelle mesure racontent-t-ils que c’est dans la terreur et la désolation que ces « missions bottées » agissent. Quelle information arrivent d’abord au roi, et ensuite à Madame de Maintenon qui n’est pas encore l’épouse du Roi.

Les historiens se sont penchés sur ce point de l’histoire et ils adhèrent à la démonstration résumée par François Bluche dans une biographie de référence sur le grand roi.

« la marquise de Maintenon se réjouit des conversions quand elles lui semblent le résultat de la persuasion et de la douceur. Mais elle répugne à la contrainte envers ses anciens coreligionnaires. Seules une polémique outrancière, puis une légende sans fondement pourront faire croire qu’elle ait encouragé le monarque à la dureté. »

Madame de Maintenon, Mignard musée Niort

Après avoir élevé les enfants du roi, elle crée a partir de 1681, à saint Cyr , une maison d’éducation.  C’est ainsi qu’est fondée la Maison royale de Saint-Louis. Elle accueille gratuitement les jeunes filles de sept à douze ans qui ont moins quatre quartiers de noblesse et une famille trop pauvre pour leur assurer une bonne éducation. Sont privilégiées les jeunes filles dont le père a combattu ou donné sa vie au service du roi. Ces « demoiselles de Saint-Cyr », au nombre de 200 à 250,  sont destinées à faire un « beau mariage » et devenir des dames de la Cour.

L’image que je retiens de Madame de Maintenon est plutôt celle d’une femme, cultivée éducatrice et femme avant tout. Peut-être faut il rechercher les responsabilités du coté de Louvois et bien sûr du Roi Louis XIV, monarque absolu. Qu’en pensez vous?

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