Les métiers des huguenots au moment de la révocation de l’Edit de Nantes.

Jusqu’en 1685, l’Edit de Nantes sert de base à toute législation concernant les protestants, en particulier l’article 27. Cet édit de 1598, reconnaissait l’égalité de droit entre huguenots et catholiques. Cependant dès le départ,  cette tolérance est remise en cause en particulier en mettant en place des règles favorables aux catholiques. c’est le fait du clergé de France qui lutte en permanence contre le libre accès aux postes, charges et offices les plus importants ou l’accès à  des professions traitant du dogme ou des commandements de l’église. On trouve dans ce cas les maîtres d’école qui enseignent le catéchisme, les médecins, sage-femme et pharmaciens en raison des contacts qu’ils avaient avec les malades, les notaires qui étaient les maitres en matière de testament et de contrat de mariage ainsi que les juges. Non moins importants, les civils font barrages pour l’entrée des huguenots dans leur profession, pour défendre leurs propres intérêts et établir une forme de non concurrence. Quand ils ne peuvent en interdire l’accès ils réduisent voire interdisent différents droits et privilèges.

David Téniers le jeune, école flamande (1610-1690); le chirurgien

Cet édit de 1598 fait que la loi est pour l’égalité et en cas de procès les catholiques ne sont pas assurés d’avoir gain de cause….jusqu’à un certain point. En effet le gouvernement prend de plus en plus souvent le parti des catholiques jusqu’à l’arrêt du 17 novembre 1664 sous Louis XIV qui énonce que si le Roi est catholique, ses sujets ne peuvent être que catholiques. L’issue est alors écrite, le royaume sera à terme entièrement converti, et la loi sera celle du clergé. Il faut noter que ce ne sont pas alors des interdictions d’accès à certaines professions. C’est plus une politique de réduction des charges et offices comme en 1663 et 1664 pour les procureurs, notaires et huissiers qui touchent en priorité les protestants, mais également une diminution de leurs responsabilité au sein de leur profession. Ainsi la marine ne peut se passer d’officier protestants mais ils ne peuvent présider les conseils de guerre de même que sur les bâtiments qu’ils commandent la religion catholique doit rester prédominante.

2 avril1666 une déclaration du roi restreint la liberté de culte public et les droits civiques et sociaux des protestants. Pierre Bernard, conseiller au présidial de Béziers, hostile aux huguenots, publie cette même année l’Explication de l’édit de Nantes, qui remet en question l’article 27 de l’édit de Nantes qui déclarait les protestants « capables de tenir et exercer tous états, dignités, offices et charges publiques quelconques royales, seigneuriales, ou des villes de notre royaume 

A partir de 1671, une ville ne peut plus avoir qu’une seule école protestante, et cette école un seul maître. La paix de Nimègue (1679), puis à partir de 1680, les arrêts réservant une profession puis une autre aux catholiques se succèdent jusqu’à un arrêt du conseil du roi du 28 juin 1681 qui ordonnait aux notaires, procureurs, postulans, huissiers et sergent de la Religion prétendue Réformée de se démettre de leurs offices en faveur des catholiques … dans six mois. Si bien que quand arrive la révocation de l’Edit de Nantes en 1685, de nombreuses charges et offices ne sont plus accessibles aux protestants. Mais cet Edit généralise et étend cette règle officiellement à toutes les professions puisque les huguenots sont déclarés hors la loi. Certains se trouvent dans des situations délicates. Ainsi tout maitre d’école doit enseigner la religion catholique, un médecin doit déclarer ses malades à la cure de la paroisse et le notaire doit s’assurer que après la rédaction de l’acte de mariage, le mariage sera bien célébré à l’église. De fait, puisque les huguenots sont partis ou bien ont abjuré la RPR, ils sont de « nouveaux convertis » le royaume est maintenant catholique, tous ses sujets sont égaux devant la loi et ont donc accès à tous les charges et offices. …. le gouvernement en est bien conscient, cette politique n’est pas sans danger. Les huguenots sont très présents dans certaines professions et indispensables même, ainsi dans l’armée et la marine. Il faut donc éviter la fuite de ces éléments indispensables pour l’étranger et les contrôles de ces professions sont alors modérés.

Déclaration du 13 décembre 1698; les interdictions ne sont pas levées mais certaines professions ne sont plus citées; ainsi les libraires, imprimeurs, chirurgiens, pharmaciens, sages-femmes, avocats, fonctionnaires fiscaux, officiers de l’armée et de la marine, fonctionnaires communaux. Les nouvelles règles sont difficiles à appliquer, vient la guerre de succession d’Espagne et  la Régence peine à résoudre cette équation.

14 mai 1724, nouvelle déclaration. Les professions non mentionnées réapparaissent, les règles s »alourdissent mais paradoxalement sont moins appliquées.

David Téniers le jeune; école flamande (1610-1690) un fermier avec femme et enfant à la maison.

C’est l’histoire de Jean Migault telle qu’il la raconte dans le témoignage qu’il écrivit pour ses enfants après sa fuite à Amsterdam. C’est dans ce recueil qu’il explique les raisons qui l’ont conduit à partir de France.

Jean Migault épousa à 18 ans Françoise Fourestier, âgée de 19 ans et s’établit à Moullé ( Moulay) paroisse de Fressines (canton de Celles, Arrondissement Melle) où ils passèrent « quelques années fort tranquillement »… « ayant beaucoup d’emploi et peu de conduite, attendu notre âge, pour gouverner en toutes saisons plusieurs pensionnaires et grand nombre d’écoliers, qui m’étaient envoyés des environs. » Il enseigna donc « en public » comme son père avant lui, fit la lecture dans l’église réformée de Mougon, et exerça l’office de notaire dont le seigneur de Mougon lui avait fait présent dès 1670. En 1680 il avait onze enfants vivants et comme il l’écrit « on entendait parler alors que d’édits et déclarations qui nous rendaient pour la plupart incapables de gagner notre vie ». Il fut contraint en 1681 d’abandonner sa maison et ses fonctions. Il alla alors à Mougon pour continuer à exercer les fonctions de lecteur et de scribe. La vie repris son cours jusqu’à l’arrivée des dragons autorisés par le ministre de la guerre de Louvois à partir du 18 mars 1681 et pilotés par Louis de Marillac, intendant et représentant du Roi. Je vous invite à lire son récit sur Gallica. Comme il le raconte l’orage éclata enfin le 22 août 1681.

Sans travail, persécuté il décida d’émigrer vers Amsterdam ainsi que ses enfants, sa femme étant décédée. Ce qui fut également une terrible aventure.

Les édits et décrets sont une chose, le récit de Jean Migault nous entraîne dans une réalité sordide. Ils sont partis avec un espoir de retour mais ses enfants ont fait souche à l’étranger son arbre généalogique a fait pousser de nouvelles branches ailleurs.

Cette situation explique en partie que mes ancêtres étaient des laboureurs, des paysans huguenots mais aussi garde-étalon et c’est ce qui a motivé ma recherche.

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