Nous sommes le 17 mars 1661, le jour est important. Aujourd’hui, dans l’église paroissiale de St Simon de Bordeaux, par devant Chastaigner, notaire royal comparait une assemblée de bourgeois pour l’homologation des statuts de leur profession. Raymond Xaintes, Jacques Giraud, Jean Vignières, Isaac Robardeau, Jean de Soubes, Pierre Lafaye, Louis Ally, Jean Guitard dit La Réole ….sont présents. Ils sont tous bourgeois et maîtres fourbisseurs. Ils vont délibérer sur plusieurs affaires concernant leur métier et leur communauté.
Maitres fourbisseurs?
» les dits maîtres fourbisseurs pourront tenir en leur boutique toutes sortes d’armes, comme épées, dagues, arquebuses, cuirasses, hallebardes, piques, lances, épieux, masses et autres bâtons servants au fait de la guerre, et maniables à la main de l’homme sans nulle contradiction. »

Habit de fourbisseur, Michael Finney antique prints.
Ce jour là, il y a confirmation des statuts du métier enregistrés en 1602, mais également délibération pour pourvoir à divers abus qui se commettent bien souvent dans leur compagnie en particulier sur le passage des compagnons et des garçons de métier d’une boutique à l’autre ce qui deviendrait alors acceptable, mais uniquement avec l’accord du maître.
Extraits des; » anciens et nouveaux statuts de la ville de Bordeaux », Jean de Tillet, 1701.
Cet Isaac Robardeau pourrait être le fils de cet aïeul, autre Isaac Robardeau, décédé à Bordeaux en novembre 1660.
Habitat des marchands bordelais.
Une étude de Bertrand Gautier sur l’habitat des marchands bordelais au 17 ème siècle d’après les inventaires après décès, évoque un « Isaac Robardeau », marchand de Bordeaux (inventaires de 1598 à 1686).
La maison d’Isaac Roberdeau sur un étage se composait de six chambres, deux antichambres, une cuisine, une cave un grenier, une salle basse et la boutique au rez-de-chaussée.( AD Gironde 3E 4080 f°1567-1580 et 1589-1591) Il y avait neuf lits, tous faits d’un châlit en noyer, une paillasse, une couverture de laine, une couette et un traversin de plumes. Des coffres contenaient linge et papiers, quatre « cabinets » ce qui était plus rare dans l’habitat bordelais et simplement une armoire. Les tables étaient plus nombreuses, pas moins de neuf, et quatre vingt quatre chaises, dont vingt quatre en paille, « façon Flandres », douze en noyer et en sapin, douze couvertes de « cuir de vache de Russie », et vingt fauteuils. Il n’y avait ni tapis, ni tapisserie ni bibelot, mais seulement trois miroirs et quelques livres imprimés, ce qui ne reflète pas l’aisance de ce marchand. Il faut peut être mettre cette sobriété sur le compte de sa religion. La vaisselle faisait aussi partie de cet inventaire, beaucoup de vaisselle de cuivre rouge ou jaune dans la cuisine, de la vaisselle en étain et de la vaisselle en argent ce qui est déjà plus rare , vingt sept cuillères, douze fourchettes, une salière et un sucrier, signe exceptionnel de consommation de sucre.
Isaac Roberdeau devait être attaché à son apparence, sa garde-robe était bien fournie; pas moins de 28 chemises, 15 paires de bas, dont 13 bas de soie, trois chapeaux. Ils avaient également des hauts-de-chausses, des caleçons, des habits de couleur noire ou foncée. Par contre il n’est pas mentionné de gants mais deux robes de chambre, ce qui est rare.
L’inventaire après décès date de 1660, ce qui correspondrait au décès de cet aïeul, si les dates sont confirmées.
Son « bourdieu » ou maison rurale, en périphérie de Bordeaux, était modeste, mais Roberdeau était le seul marchand à y posséder une écurie avec deux juments et une pouliche deux selles avec les étriers, ce qui laisse supposer qu’il montait à cheval. Celui ci lui fournissait également son vin. Il y avait trois tonneaux de vin de Graves dans l’inventaire après décès.
Isaac Roberdeau fils était maître fourbisseur, mais rien ne nous indique la profession d’Isaac Roberdeau père; maître fourbisseur comme peuvent nous le faire penser dans l’inventaire trois mousquets, deux fusils, deux pistolets ou dans le commerce maritime qui expliquerait qu’il soit parmi les cinq marchands bordelais les plus fortunés à la fin du 17ème, avec Jean de Ridder et Jean de Jehan, Jaques Nougues.
Si on veut esquisser un portrait, on dessinerait un homme âgé d’environ 45 ans à son décès, père de 4 jeunes enfants, bien mis de sa personne , montant à cheval , maniant les armes et maintenant son rang sans ostentation conformément à sa religion de protestant.
Cette famille Roberdeau comme les familles de marchands bordelais y compris les hollandais, les anglais vivaient plutôt modestement bien loin du luxe parisien. Ils ne construisaient pas de nouvelles maisons, n’étaient pas propriétaires terriens, avaient de vieux meubles et à quelques exceptions près vivaient dans un décor sans fioritures. Ils réinvestissaient l’argent gagné dans leurs affaires.
Bordeaux changea au 18 ème siècle et fut alors construit ou reconstruit c’est le Bordeaux d’aujourd’hui.
https://books.google.fr/books?id=PZLuWmCWASsC&pg=PA101&lpg=PA101&dq=bourgeoisie+robardeau&source=bl&ots=Lyjx0TYX6o&sig=pDZRmka_vNLAGvMnSZkKlRN_FX8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwif_tbanqnLAhXKVxoKHW6tDiQQ6AEIHjAB#v=onepage&q=bourgeoisie%20robardeau&f=false
http://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1996_num_108_216_2543