Nous croisons tous un jour ou l’autre dans les registres BMS des actes de décès d’enfants morts à la naissance, des mères décédant le même jour on suppose au moment de l’accouchement, mais c’est la première fois (la seule) ou je lisais un acte explicite sur la mort d’une femme en couche.
Sur le document d’archives d’ Exireuil en 1673, le curé Delacroix officiait toujours dans la paroisse et inscrit alors;
le samedi 23 du présent mois de février an susdit (1673) décéda Jehanne Poineau femme de Michel Bo..nier demeurant à la cl.. âgée de 40 ans elle mourut ne pouvant mettre bas le fruit de son ventre manquant de force.
AD 79 Exireuil 1673
curé delacroix vue 94/117
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Le terme « accouchement » utilisé aujourd’hui remonte au XVIIe siècle et désigne la position allongée. le terme « mettre bas » était plus moyenâgeux et se référait à la position de l’accouchée, plus exactement la posture dans le sens pose (met) « en bas »(rapport à la hauteur).
La naissance avait lieu le plus souvent dans la salle commune, la pièce la plus utilisée, celle qui avait une cheminée. Un feu de bois entretenait la chaleur, la pièce était fermée et empêchait les mauvais esprits d’entrer. Des femmes exclusivement entouraient la parturiente; la matrone appelée la « femme qui aide » ou la « mère-mitaine » ou encore la « bonne mère » est bien connue des villageois. c’était le plus souvent une femme ayant eu plusieurs enfants, donc « expérimentée », ayant la confiance des villageoises après avoir réussit quelques accouchements.
C’est le curé qui surveille ses compétences, ne lui demandant ni de savoir lire ni écrire, mais de savoir réciter les formules de baptême pour ondoyer un nouveau-né en cas d’urgence.
Souvent sont là également des parentes, des amies, des voisines accourues dès les premières douleurs. Il fallait préparer le lit, les linges, entretenir le feu, l’eau chaude. Elles racontaient leurs accouchements, leurs expériences…
La naissance n’était alors ni un acte privé, ni une aventure intime, c’était l’histoire d’une villageoise parmi d’autres qui venaient la réconforter, l’encourager la maintenir et prier. Ces femmes priaient la vierge ou encore sainte Marguerite. Elles disposaient des porte-bonheur, des amulettes comme la ceinture de la vierge, sachet d’accouchement, pierre d’aigle, bézoard, rose de Jéricho, ou rien.
Les hommes n’étaient pas admis sauf le père quand son expérience du vêlage des bêtes pouvait s’avérer utile, s’il fallait retourner l’enfant dans la matrice dans le cas ou il se présentait mal comme il le faisait avec les vaches.
Des manuels d’obstétrique sont apparus dès la fin du XVIe siècle. Mais jusqu’au XVIIIe siècle on n’admettra que la césarienne sur une femme morte. C’était même un devoir qui pouvait être pratiqué par une sage-femme. Dans un chapitre sur la technique de la césarienne post-mortem dans le livre des accoucheurs français XVIIe et XVIIIe siècle il est dit; » La sage-femme prendra un rasoir, ouvrira les muscles abdominaux et la matrice même en prenant garde de blesser l’enfant, et le retirera par les pieds. Elle doit toujours lui faire donner le baptême avant d’en faire l’extraction« .
Il était important que l’enfant vive, qu’il soit baptisé pour échapper au pouvoir de Satan. Mais l’incision était contre nature, et on le voyait comme un acte forçant le destin.
Dans la réalité, la césarienne était impossible; on ne connaissait pas les techniques d’anesthésie, ni comment suturer un utérus et il fallait également sur place une personne instruite pour la pratiquer.
Rien ne nous dit qu’il y avait un chirurgien un barbier ou même une sage-femme à Exireuil.
Dans cet acte, les témoins ne sont pas nommés. On ne peut que supposer à la lumière de ce qui se faisait usuellement. Les voisines étaient surement là, une matrone peut-être, le mari surement. Le travail a duré trop longtemps, la femme s’est épuisée, a « manqué de force pour mettre bas le fruit de son ventre ». La médecine de l’époque était impuissante .
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