Quand on « arpente » les archives, on croise des actes qui sans nous concerner directement attirent notre curiosité. Ainsi celui-ci en 1688 dans l’église de St Symphorien de Romans (79).
Je soussigné prêtre curé de St Symphorien de Romans reconnait et confesse avoir trouvé dame Catherine Dauché veuve de messire René de Bonatie escuyer sieur Dulinault en possession prouvée et manifeste d’un banc de huit pieds et demi de longueur d’un pied et demi de largeur, anciennement et de temps immémorial de la dite maison noble Dulinault de droits acquis par bienfaits aux dits seigneurs en leur nom et à leurs successeurs, mérité et acquis de nouveau par la dite dame Catherine Dauché par d’autres biens qu’elle a fait à notre susdite église paroissiale de Romans spécialement d’un confessionnal au dessus duquel en daume (dome) sont les armes et écussons de la dite maison noble Dulinault davantage par les exemples de vertu piété et modestie qu’elle donne continuellement avec sa famille au commun peuple lequel droit de banc sa sépulture réservée comme d’autres fois dans la chapelle de Ste Catherine ….
AD 79 Romans BMS 1675.1705 (vue 69)
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Dame Catherine Dauché veuve du sieur Dulinault possède un banc dans l’église St Symphorien paroisse de Romans (79), de part les dons faits par sa famille mais surtout ceux qu’elle a fait elle même. Ceux-ci ne sont pas détaillés sauf celui qu’elle a fait d’un confessionnal qui est signé de ses armes et armoiries sur le dôme. La dimension de ce banc est bien définie( 8 pieds et demi de longueur et un pied et demi de largeur) ainsi que la situation dans l’église, à main senestre (gauche) sur l’emplacement des sépultures des anciens curés de l’église. Le curé loue également sa piété, sa modestie, qu’elle et sa famille donne au « commun peuple ».
La vie de l’église et des fidèles est régit par le droit canon encore en vigueur (révisé en 1983). Le droit canonique comporte aujourd’hui 7 livres concernant la structure de l’église, les sacrements, la juridiction (les tribunaux ecclésiastiques) les sanctions et l’administration des biens.
Dans le tome 1 du dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale (1770) il est dit à propos du droit de banc;
« Nous distinguerons pour une plus grande clarté trois sortes de personnes qui ont droit de banc dans les Eglises, les Patrons des Eglises, les Seigneurs des Lieux, et les particuliers habitants ou paroissiens. Le patron d’une église a le droit aujourd’hui selon nos usages d’y avoir un banc dans le chœur. Sa seul qualité de patron fait son titre et ce titre est supérieur à celui du seigneur, même haut justicier. » Ils entendaient par patrons ceux qui avaient doté, fondé, ou bâti l’église. Le seigneur haut justicier qu’il y ai un patron ou nom a un droit de banc dans le chœur, mais même si le chœur peut en contenir plusieurs on ne peut en placer qu’un, deux tout au plus. « Les seigneurs moyens et bas justiciers ne peuvent prétendre au droit de banc dans le chœur et encore moins les seigneurs féodaux directs et censiers qui n’ont sur le fief ou sur la paroisse que des droits utiles à prétendre ». Les particulier; Ce privilège de banc dans le chœur « ne s’étend à aucun autre, noble ou roturier pas même dans la nef, quiconque veut avoir un banc dans une église doit se procurer un titre et ce titre est la concession qui en est faite par les marguilliers sous une rétribution en faveur de la fabrique ». Pour la troisième catégorie il faut donc s’adresser aux marguilliers qui se réunissent en bureau, dit de la fabrique pour en décider.
nous espérons qu’il lui sera conservé et à sa famille et après leur mort à leurs héritiers de la maison Dulinault et en prions et engageons autant qu’il en nous nos successeurs lequel banc est à main senestre plus près du barreau sur la sépulture ancienne des curés à Romans ce trentième may 1688 avons conjointement signé la dame Catherine Dauché et moy dit curé.
AD 79 Romans BMS 1675.1705 (vue 69)
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Dame Catherine avait également un droit de sépulture dans la chapelle sainte Catherine que le curé souhaite lui voir conservé pour elle et ses héritiers. L’affaire est moins sûre. Il semble que vers la fin du XVII ème il suffisait de payer une certaine somme à la fabrique pour avoir le droit d’être inhumé dans l’église. Ce qui a pu conduire à quelques abus. Le sol en terre battue et l’inhumation des corps à faible profondeur, rendait l’atmosphère difficilement respirable tant et si bien que le roi Louis XVI interdira cette pratique le 10 mars 1776, pour des raisons de « salubrité de l’air ».
La révolution mit fin à tout cela, beaucoup de bancs constituant une marque de privilège trop manifeste furent brûlés.
Sources ;
AD 79 Romans 1886 dictionnaire de droit canonique 1770; https://books.google.fr/books?id=KAdPAAAAcAAJ&pg=PA272&lpg=PA272&dq=droit+de+banc+d%27eglise&source=bl&ots=u5HV_thAaO&sig=HChmdu0w7dyYH-sJPh0oIvdNyTA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiwhruN6oHKAhUGvRoKHWqkCHMQ6AEITTAJ#v=onepage&q=droit%20de%20banc%20d%27eglise&f=false
Article qui m’a beaucoup intéressée car il « remet les choses en perspective ». J’avoue que la première chose qui m’est venu en tête avec le terme « patron d’une église », ce sont les saints patrons, mais je doute qu’ils aient eu besoin de s’asseoir… (j’ai ensuite envisagé les marguilliers et fabriciens, avant de lire la fin du paragraphe: merci d’avoir explicité ce terme).
j’ai été la première surprise et j’ai voulu vous le raconter.