Il fut une époque où les hommes de Pressy étaient cultivateurs et les femmes fileuses de lin ou de laine comme Scholastique Carpentier, sosa 199 (1758-1832), sa fille Julie Pruvot sosa 99 (an IV-1852) .
François THELLIER sosa 100 (1777-1847) était lui écoucheur de lin.
(AD 62, Recensement, Pressy 1820.)
Dans le tome 2 du » traité élémentaire d’agriculture » par MM Girardin et A. Du Breuil, 1885 source Gallica, nous est détaillé cet « art agricole ».
Le lin est cultivé depuis l’antiquité, en orient, en Egypte et en Europe. Les tissus fabriqués avec la filasse du lin sont moins forts et moins durables que ceux obtenus avec du chanvre, mais ils sont beaucoup plus fins.
La récolte de lin.
On sème le lin de début novembre à fin février. Vers la fin juin, le lin arrive à maturité, les feuilles commencent à jaunir sur la tige, les fleurs les plus tardives ont disparues. Il est temps de procéder à l’arrachage. On ne fauche pas le lin, on l’arrache.
En 1885, »ce travail est ordinairement fait par des femmes qui a mesure qu’elles arrachent lient le lin en paquet ou en petites bottes de 30 cm environ qu’elles couchent derrière elles, en rangées régulières, tout en avançant. Mais il vaut mieux les planter debout trois par trois, car s’il survenait du mauvais temps qui empêchât l’étendage immédiat la poignée serait plus exposé à fermenter, conséquemment à se détériorer. »
Pour le lin en doux le fanage et le rouissage sont pour ainsi dire qu’une seule et même opération et comme il n’y a pas de grain à séparer de la tige on y procède immédiatement après l’arrachage.
Le rosage ou rouissage sur terre se fait en étendant le lin en couches égales et aussi minces que possible ordinairement sur les prairies. s’il ne pleut pas aussitôt après cet étendage on arrose le lin soit pour hâter le rosage soit pour affaisser uniformément les tiges. Le lin reste dans cet état jusqu’à ce qu’il soit suffisamment roui du côté inférieur (2 à 4 semaines) on le retourne pour lui faire occuper la même position. On forme alors des gerbes coniques, on les lie en botte, les conserve alors dans un lieu sec et aéré à l’abri des souris jusqu’au broyage.
Le rouissage peut se faire dans une eau qui se renouvele sans avoir un cours trop rapide, les odeurs sont alors moins fortes que le rouissage en eau dormante. Les bords de la Lys ont cette réputation et on y rouit une grande masse de lin.
On prépare ensuite le lin.
le hâlage
Pour cela on le hâle c’est à dire on le soumet à un certain degré de chaleur, au soleil, au four après la cuisson du pain, ou dans un haloir chauffé à 30 degrés.
On sépare ensuite la chènevotte de la couche fibreuse par différents procédés. On réduit ainsi le lin en filasse.
Le maillage
On enlève les tiges courtes rompues ou brouillées, les déchets servent à faire des étoupes.On écrase le lin ensuite à grands coups de battoirs d’un coté puis de l’autre, on le secoue ensuite pour détacher les débris de chènevotte.
l’écangage.
L’écangueur ou écoucheur prend dans la main gauche autant de lin qu’il peut en tenir, le passe dans l’échancrure jusqu’au milieu de sa longueur dans l’écangue, sorte de couperet ou hachoir, mince et plat, puis il frappe dessus verticalement avec l’écangue; il roule retourne et frappe ainsi sa poignée jusqu’à ce que la chènevotte soit détachée et qu’il ne reste ainsi que la soie.
on teille le lin.
La technique se perfectionne au fil du temps. Une machine de Bourdon-Quesney qui permet à un homme de teiller 20 à 25 kg de filasse par jour vaut alors 300fr.(1885)
Il reste encore le sérançage ou peignage. Il faut enlever les traces de gommes résines, les démeler, les refendre et les finer. Les peignes ou serans se composent de pointes métalliques fixées sur une planche et plus ou moins rapprochées les unes des autres, selon le degré de finesse que l’on veut donner à la filasse.
Les lins ramés destinés à la fabrication des dentelles et des baptistes, ne sont pas peignés. on remplace cette opération par l’action de la brosse qui débarrasse mieux la filasse de sa gomme et lui donne plus de finesse.
Il y avait l’arracheur, l’empercheur, le manouvrier qui faisait sécher le lin sur des perches, l’écangeur ou écoucheur de lin comme François Thellier.
Pressy (62) en 1820.
A Pressy, les femmes et les jeunes filles étaient dites fileuses de lin en 1820. Une bonne raison à cela. Chacun dans la maison devait faire sa part de travail. Dès l’âge de 5 ou 6 ans la fillette apprend à imiter les gestes de sa mère et passe de plus en plus de temps au rouet.
En 1820, à Pressy, Jacques Philippe Hesdin, 52 ans, sosa 106, était cultivateur. Dans sa maison vivait sa mère Marie Thérèse Vionne,sosa 215, sa femme Ferdinande Varet, sosa 107, ainsi que leur deux filles toutes les quatre fileuses en lin. Pas très loin vivait Rosalie Martin, veuve Mellier, elle aussi fileuse et mère de 7 garçons.
Vers l’âge de 10 ans la fillette va pouvoir filer depuis l’aube jusqu’au coucher du soleil. Le fil de lin d’abord grossier s’affinera au fur et à mesure que son expérience grandit. Le fil grossier restera dans le village pour le tisserand , le plus fin sera vendu à l’extérieur.
C’était un travail d’appoint, une alternative en particulier pendant la mauvaise saison.
Viens ensuite le tailleur d’habits, le seul habilité à faire les costumes pour homme, il se déplace, prend les mesures, taille et coud. Pendant longtemps, les couturières ont été les petites mains, celles qui alignent les points jusqu’à ce qu’on leur reconnaissent le droit de faire les vêtements… pour femme. Elles cousent aussi le linge, les draps.
Louis Decaufour (1736-1820) sosa 110, était tailleur d’habits et garde champêtre, sa femme Alexandrine Blondelle sosa 111 et ses deux filles Sophie et Catherine Décaufour fileuses, Louis Réant (1739-1795) sosa 102, un autre de mes ancêtres du Pas-de-Calais, tailleur d’habits, sa femme Agathe Rosalie Dupetit, (1748-1795) couturière en drap. Leur fils Auguste Joseph Réant, sosa 102 fut tailleur, marchand, colporteur (1776-1845).
Je ne vous ai cité que mes ancêtres fileuses de lin, mais presque toutes les femmes et filles de Pressy pourraient être nommées. Les journées devaient s’écouler entre rouet, écheveau de fil, quenouille, et fuseau.
Et aujourd’hui?
la magie d’internet, une recherche rapide nous amène sur « Echo 62 ».
Près de 6 500 ha sont cultivés dans le Pas-de-Calais Le lin tisse encore sa toile
Notre région est une des rares en France, avec la Normandie, où la culture du lin textile est fortement représentée. Particulièrement dans le Pas-de-Calais où près de 750 producteurs plantent environ 6 500 hectares de cette céréale. Ils sont essentiellement répartis entre le Ternois, le Montreuillois, le Calaisis, l’Arrageois… des secteurs où au début de l’été les champs d’une subtile couleur bleue ondoient sous les vents.
|
Mais la culture du lin est aléatoire, le prix incertain. La récolte peut faire défaut plusieurs années de suite, et la dépense peut dépasser le gain.
On sera peut-être surpris de voir le produit augmenté de cent sols depuis la recolte, la dépense ne l’étant que de trente-quatre sols six deniers. Cet accroissement n’est pas trop fort, relativement au danger que court celui qui dépouille ; car les grandes pluies qui noircissent le lin, malgré toutes les précautions, avant qu’il soit renfermé, peuvent le rabaisser considérablement. Il en est de même du péril du roui et du blanchissage. Il faut encore ajouter à cela le loyer, la dixme, les impositions, le ravage de la guerre fréquente en Flandres, les rentes seigneuriales dont les terres sont chargées, l’entretien du ménage, etc. Encyclopédie de Didérot et d’Alembert 1765. http://encyclopédie.eu/index.php/histoirenaturelle/botanique/6564645-LIN |
Toutes ces raisons peuvent expliquer qu’ il y a très peu de fileuses dans les recensements suivants.
Mais l’origine du nom Thellier reste la même;
Thellier est un nom originaire de la Picardie, représentant une variante de teillier qui signifie fabricant de toiles, tisserand : c’est un nom de métier ayant engendré un patronyme. (généalogie.com)
Sources;
http://www.archivespasdecalais.fr/Archives-en-ligne recensement Pressy 62 en 1820