A ce stade de mes recherches je n’ai pas trouvé de traces de mes ancêtres soldats pendant la guerre 14-18. Mais j’ai pu relire une correspondance de cette période celle de Marie Amélie Bernes âgée de 78 ans en 1914 vivant alors à Clairac à ses neveux Numa , Nelly et à son frère Hector 81 ans résidant tous à (Pamproux 79). Elle est le reflet de sa vie quotidienne. Imaginez des lettres de 7 ou 8 feuillets écrits sur plusieurs jours, laissés puis repris, correspondance fourmillant de détails de la vie quotidienne d’une dame de 78 ans, allant de ses convictions religieuses, à la première soupe aux choux de la saison, en passant par le prix du bois de chauffage. Mais lisez plutôt.

lettres de Marie Amélie Bernes à ses neveux, collection personnelle.
Ma chère Nelly,
Clairac, 18 mai 1916,
Et cette interminable guerre quand en verrons nous la fin? Tenez, on en souffre tellement quand on en parle qu’il vaut mieux se taire. Mais comment se taire. On est si accablé, si désolé, si meurtri qu’on ne peut s’empêcher de crier sa peine. Chaque dimanche quand j’ouvre mon journal » l’évangile et liberté » et que je vois encore une longue liste de nos jeunes protestants morts pour la France, je ne puis m’empêcher de verser des larmes en pensant à toutes les familles qui sont dans le deuil. Quelle chose épouvantable que la guerre! Mme B qui vient me voir dimanche ne sait rien de son fils. Le fils L. est mort en combattant ou dans un hôpital de ses blessures, je ne sais. Le fils d’une mimi L. marchande de volaille aussi et sa belle fille marchande de poisson vient de mourir d’une embolie au cœur.
…/….
Mme F vient me voir quelques fois elle me porte à chaque fois un joli bouquet. Depuis environ trois semaines ses filles sont ici très inquiètes au sujet de leurs maris mobilisés. La plus jeune a un petit garçon qui fait leur délice à tous.
le fils aîné des M. de celui qui habite sainte Livrade est mort aussi pour la France. Quand je dis pour la France c’est parce que je ne sais pas si celui dont je parle est mort au champ d’honneur ou dans un hôpital de ses blessures.
lundi 22 mai,
mlle F. très occupée les derniers mois m’avait bien négligée. Elle est venue samedi, m’a apporté un bouquet, et m’a annoncé avec fierté que son neveu étudiant en médecine et mobilisé venait d’être décoré de la croix de guerre.
mercredi 24 mai,
je reprend encore la plume pourrai-je enfin porter ma lettre à la boîte ce soir? Je viens d’écosser des pois-mon premier ragoût et je vais descendre prendre mon lait sur la planchette que j’ai fait mettre pour que la laitière n’ait pas à monter et moi à descendre…/….
Clairac, 27 décembre 1916
Cette nouvelle année nous amènera t-elle la paix! Dieu le veuille!
Ayant la tête très fatiguée je ne pourrais vous écrire longuement aujourd’hui, mais mes cartes étant prêtes je tiens à vous les adresser le plus tôt possible car le lendemain ne nous appartient pas et à 80 ans surtout on n’est sûr de rien. Pas une longue chronique locale aujourd’hui.

Félix Vallotton, Verdun.
Clairac, janvier 1917,
Mon cher frère,
J’aurai voulu t’écrire plutôt mais je souffre tellement de mes engelures au mains que c’est à grand peine que je peux tenir la plume. Mais les engelures et les crevasses passent, ce qui ne passera pas et ne peux qu’augmenter avec l’âge c’est tout ce dont je vous ai entretenu assez souvent pour que je ne vous en parle pas aujourd’hui ou je viens encore une fois te renouveler tous mes souhaits de bonne année que Dieu veuille dans sa miséricorde infinie continuer à bénir ta vie et ta vieillesse car tu n’as plus les forces d’autrefois. Tu es vraiment un vieillard privilégié …
lorsqu’elle (Mme F.) m’écrivit le 7 janvier ils n’avaient pas eu de nouvelles de Georges depuis 3 semaines époque où il quitta VERDUN.Tu peux penser si ils étaient inquiets alors? Elle m’apprends aussi une bien triste nouvelle: la mort du fils unique d’une famille protestante que je connais. Ce jeune marié 18 mois avant la guerre vint en permission à la Noël à moitié mort puisqu’il mourut 7 jours après. Il laisse une petite fille et sa femme dans un état intéressant. Je plains beaucoup cette famille ses parents Mr et Mme B…(un ménage modèle) font à Septfonds le même commerce que Girou ici…..
Mardi matin 10 heures,pendant que mon ragoût de haricots cuit, je viens encore causer avec toi. Je vais d’abord t’apprendre la mort de Mme H 95 ans! elle s’est éteinte à l’hospice où elle était depuis quelques années, sa fille étant morte empoisonnée par des moules ( que Nelly qui les aiment tant fasse attention) il y a 5 ou 6 ans je crois…..
Clairac, le 27 novembre 1918
Mes chers amis,
désirant que Justin puisse porter cette lettre à la poste demain je prends la plume afin de vous demander de me donner de vos nouvelles le plus tôt possible car je suis inquiète à votre sujet n’ayant rien reçu de vous depuis que Nelly m’annonça de Poitiers la réussite d’Henri aux examens du baccalauréat et il y aura 1 mois le 30 novembre!
Je me demande si vous n’êtes pas tous grippés? Tranquillisez moi sil vous plait? je vous aurais écrit plus tôt si moi même je n’avais été plus souffrante pendant et après les quelques jours où la température était devenue plus rigoureuse. A mon âge comme à celui de mon frère et de toutes les personnes âgées on ne peut s’attendre quand on est atteint de vieux maux à de l’amélioration. On n’a qu’à se laisser vivre et attendre sa fin avec le plus de patience possible et surtout s’y préparer.
Le jour où l’armistice fut signée je fus tellement heureuse que j’aurais pris la plume pour manifester ma joie et ma reconnaissance envers Dieu.J’aurais dis-je pris la plume pour dire à vous et à mes deux ou trois amis éloignés ce que j’éprouvais de bonheur mais j’étais tellement émue que je ne fis que pleurer toute l’après-midi: Nous comptions sur la VICTOIRE -quant à moi je n’en ai jamais douté-mais les événements se sont précipités avec une si grande rapidité pendant quelques jours que nous ne pouvions presque croire à la réalité.!…
Wilson va venir en France je pense qu’il sera reçu comme il le mérite…..
puis un témoignage
Clairac 12-19 mars 1919
A la mi-carême mariage d’Andrée D. avec un belge, elle a vendu son magasin de mode à la plus jeune des P qui a perdu son fiancé mort au champ d’honneur. Marguerite m’a mené son prisonnier de guerre le lendemain de son arrivée, il n’a pas l’air d’avoir trop souffert. Il était jardinier chez un baron protestant qui avait des enfants, la plus jeune des fille aimait à parler français avec Antonin qui la trouvait fort aimable. Mais la captivité n’en était pas moins amère pour cela!
J’ai enfin écrit à Mme T.! elle m’a répondu de suite. C’est Georges en permission à ce moment là qui a lu ma lettre à ses parents. Sa mère m’écrit ceci: « nous avons le bonheur d’avoir Georges sorti indemne de l’horrible tourment, ce qui est miraculeux. Dieu sait s’il a été à toutes sortes de dangers pendant 4 ans… La vie du front a été une longue galère et de périls constants. Il a fini la guerre dans les Flandres où il a souffert terriblement. Qu’il l’a échappé belle assez souvent! Il est maintenant en occupation à Aix la Chapelle. Son frère Charles qui fut réformé est marié depuis le mois de mai 1918 avec Blanche sa cousine germaine!!!!!…Dieu veuille bénir ce jeune ménage….
très fatiguée.
Je laisse la plume mais ce que ne n’aime pas c’est la pluie avec un peu de grêle et 2 gouttières dans ma chambre.
Vous imaginez bien que je vous ai choisi un florilège extrait de ces courriers….en m’attardant sur ceux qui évoquait la Grande Guerre. Mais je vous reparlerai de Marie Amélie….
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